Pas un
astre et pas un ami,
La place est déserte et perdue,
S'il faisait sec j'aurais dormi,
Il pleut de la neige fondue !
Est-ce
la fin, mon vieux pavé ?
Tu vois, ni gîte, ni pitance.
Ah ! La poche au fiel a crevé,
Je voudrais vomir l'existence.
Je fus
bon ouvrier tailleur,
Vieux, que suis-je, une loque immonde,
C'est l'histoire du travailleur,
Depuis que notre monde est monde.
Maigre
salaire et nul repos,
Il faut qu'on s'y fasse ou qu'on crève,
Bonnets carrés et chassepots,
Ne se mettent jamais en grève.
Malheur,
ils nous font la leçon,
Ils nous prêchent l'ordre et la famille,
Leur guerre a tué mon garçon,
Leur luxe a débauché ma fille.
De ces
détrousseurs inhumains,
L'Eglise bénit les sacoches,
Et leur Bon-Dieu nous tient les mains,
Pendant que l'on vide nos poches.
Un jour
le soleil s'est éclairé,
Le soleil a lui dans mon bouge,
J'ai pris l'arme d'un Fédéré,
Et j'ai suivi le drapeau rouge.
Mais par
mille, on nous coucha bas,
C'était sinistre au clair de lune,
Quand on m'a retiré du tas,
J'ai crié "Vive la Commune !".
Adieu,
martyrs de Satory !
Adieu, nos châteaux en Espagne !
Ah nous mourons, ce monde est pourri,
Quittons-le comme on quitte un bagne.
A la morgue
on coucha son corps,
Et tous les jours, dalles de pierre,
Vous supportez de nouveaux morts,
Les otages de la misère.